Interview
le DSI, un métier en constante évolution
Dans le domaine de l’IT depuis maintenant plus de 30 ans, Rémy Hanny a un parcours riche d’expérience. Le résumer en quelques lignes n’est pas évident. Lui qui a commencé à la Caisse des Dépôts et au Crédit Agricole en tant que prestataire externe. Ensuite, il fonde une entreprise avec un ami, se concentrant sur des projets d’intégration SAP. Malgré une croissance rapide, l’entreprise a rencontré des difficultés de recrutement et à signer des contrats avec des grands comptes, ce qui les a conduits à rechercher des partenariats.
Ils ont finalement intégré une entreprise anglo-néerlandaise, MG, qui leur a permis de se développer, passant de 40 à 270 employés en trois ans grâce à une stratégie de recrutement de juniors et de professionnels non-informaticiens. Cette croissance a été soutenue par une philosophie de formation continue et un environnement de travail encourageant.
Après plusieurs expériences dans différentes entreprises, Rémy Hanny rejoint en avril 2023 VisionneX, une entreprise spécialisée dans le domaine médical, produisant des machines utilisées par les ophtalmologistes pour des tests de vue, ainsi que pour la découpe de verres de lunettes. Il y supervise une petite équipe dédiée à la gestion des systèmes informatiques de l’entreprise.
Sous sa direction, l’entreprise dispose d’une infrastructure informatique bien dotée, utilisant des solutions modernes comme Office 365 et des pare-feux de haute sécurité. Il est responsable de la centralisation des opérations informatiques tout en déléguant certaines tâches à des partenaires locaux pour des raisons pratiques, telles que le formatage des PC aux États-Unis.
Le natif de Normandie met un point d’honneur à travailler avec des partenaires de confiance sur le long terme. Il a, par exemple, orchestré la migration des serveurs SAP de la Belgique vers la France en collaboration avec une société qu’il connaissait bien par le passé. Il veille à ce que les partenaires externes maîtrisent parfaitement les solutions utilisées par VisionneX, étant donné la petite taille de son équipe interne, ce qui rend cette expertise externe indispensable.
Vous êtes actuellement DSI, pour vous quelles sont les qualités vraiment essentielles pour assurer ce poste-là ?
La première chose, je dirais, c’est qu’il faut vraiment être ouvert aux besoins des utilisateurs. Aujourd’hui, on sait que l’informaticien et les utilisateurs ne parlent jamais tout à fait la même langue. Donc, il est important de bien comprendre le besoin et surtout de donner une qualité de service. Quand une personne est dans l’embarras, il faut résoudre son problème, que ce soit pour un compte Office mal saisi ou pour se connecter à SAP à cause des niveaux d’autorisation.
Le DSI doit être comptable. Il y a 20 ans, on devait tout mettre en place, tout créer. Maintenant, on doit travailler avec ses partenaires pour vérifier et contrôler nos dépenses. On peut leur confier les clés, mais il faut penser à maîtriser les coûts.
Le dernier point, c’est l’équipe. C’est vrai avec une petite équipe, mais aussi avec une plus grande. L’essentiel, c’est de garder les collaborateurs, car ils stockent une quantité de connaissances stratégiques. Les garder dans la durée est super essentiel pour la continuité de la qualité de service et la réactivité. Dans une petite équipe qui marche bien, c’est un grand confort. Il faut les soutenir, au sens positif du terme. Parfois, les utilisateurs saisissent des données un peu rapidement dans le système. Par exemple, une commande doit être sortie à la fin du mois, mais si les données comme l’adresse du client ne sont pas correctes, cela pose un problème. Le client reviendra peut-être, mais il faudra corriger ses erreurs avant de traiter les données. Il faut être solidaire de l’équipe, mais aussi savoir poser des limites.
Vous parliez de DSI comptable, c’est-à-dire qu’il faut, en amont d’un projet, évaluer un budget, puis le présenter au comité exécutif ou aux décisionnaires ?
Oui, en tant que DSI comptable, il faut évaluer un budget, le présenter au comité exécutif, et en avoir la responsabilité. La préparation budgétaire implique d’avoir une idée des différents projets à mener, même si parfois, c’est difficile de les estimer sans conception préalable. On définit une enveloppe budgétaire, avec les coûts récurrents comme les licences Microsoft, et on prend en compte l’évolution de la boîte. On doit rediscuter avec les partenaires, analyser les consommations, ajuster les forfaits. On descend dans un niveau de détail important, par exemple pour les téléphones, où il faut faire des choix. Sur la question d’un même téléphone pour le professionnel et le personnel, je suis contre tout simplement pour une question de cybersécurité.
L’exercice budgétaire vise à améliorer la boîte, même si c’est toujours un sport. Parfois, on dépasse largement le budget initial, mais la décision est prise par le board en fonction des risques. On est en recherche constante d’optimisations, même si ce n’est pas simple, car il y a toujours un côté aléatoire qui est inhérent à l’exercice budgétaire.
“Avant le covid certains clients refusaient catégoriquement le télétravail.”
Avez-vous constaté des changements significatifs dans les exigences des employeurs ces dernières années ?
Le COVID a eu un effet extraordinaire. Avant, certains clients refusaient catégoriquement le télétravail. Ils disaient “Si vous n’êtes pas chez moi dans mes locaux, c’est que vous travaillez pour quelqu’un d’autre, donc si vous n’êtes pas chez moi, je ne vous paye pas.” Mais avec le confinement, ils ont vu que ça pouvait fonctionner, même s’il faut un pilotage plus précis. Car quand on fait un projet, on se met tous ensemble, et il y a une quantité d’informations à comprendre : où chaque personne se situe dans son avancement, quelles sont ses questions, les problèmes qu’elle rencontre, qu’elle solutionne, etc. Cet échange informel suffit à nous maintenir à un niveau d’information très intéressant. Cependant, ce niveau-là, on le perd quand on est en télétravail. Du coup, ça demande plus de pilotage. Le télétravail a changé la donne, surtout en région parisienne, où les collaborateurs exigent parfois jusqu’à 60 % de télétravail. Mais cela coupe un lien humain essentiel, et je pense qu’on reviendra peut-être à une solution plus équilibrée à l’avenir.
8 entreprises sur 10 rencontrent des difficultés à recruter des experts de l’IT. Est-ce que vous avez un processus de recrutement vraiment clair dans votre entreprise ?
Oui, nous passons par un cabinet de chasse pour les postes pointus, puis on rencontre les candidats. Vous savez, le plus important dans le recrutement, c’est le feeling. Toujours avec le principe in and out. Si un CV retient votre attention, il faut voir la personne et inversement, en entretien, si une petite lumière rouge s’allume, il faut s’écouter et ne pas perdre de temps avec quelqu’un qui ne convient pas. Éventuellement, si vous n’êtes pas sûr, vous pouvez faire évaluer par quelqu’un d’autre. L’humain est vital dans le recrutement. Pour recruter dans l’IA, ce n’est pas facile, car les solutions d’IA sont encore naissantes. Mais il y a un gros potentiel.
Pourquoi ne pas avoir fondé une nouvelle entreprise au lieu de rejoindre VisionneX ?
S’occuper d’une entreprise, c’était un investissement énorme. J’ai passé des week-ends à travailler trop. Après 60 ans, on n’a plus forcément les mêmes envies. J’aime mon travail, mais je préfère un rythme plus cool. Auparavant, mes semaines c’était 5 jours de travail et le samedi, on se réunissait tous, les managers, pour répondre au cahier des charges, puis on traitait les problèmes. Tous les soirs étaient dédiés aux recrutements. Le week-end, j’allais faire la sauvegarde des serveurs. Quand il fallait installer le réseau, c’était moi qui le faisais. J’ai adoré cette période, mais j’avais besoin d’un rythme un peu plus tranquille.
Ma première mission en interne chez un client m’a plu. Aider la boîte de l’intérieur, c’est différent de la prestation de service. Là, je peux implémenter un projet et continuer à l’améliorer, ce que je ne pouvais pas faire en tant que prestataire. Une de mes frustrations dans toutes ces années de service, c’est de ne rien avoir créé. Maintenant, en étant interne, j’ai une satisfaction différente. Je travaille pour ma boîte et dans la durée. Je me dis que demain sera encore mieux qu’aujourd’hui.
Propos recueillis par Léo Delaby et Clément Fradique
Dans le domaine de l’IT depuis maintenant plus de 30 ans, Rémy Hanny a un parcours riche d’expérience. Le résumer en quelques lignes n’est pas évident. Lui qui a commencé à la Caisse des Dépôts et au Crédit Agricole en tant que prestataire externe. Ensuite, il fonde une entreprise avec un ami, se concentrant sur des projets d’intégration SAP. Malgré une croissance rapide, l’entreprise a rencontré des difficultés de recrutement et à signer des contrats avec des grands comptes, ce qui les a conduits à rechercher des partenariats.
Ils ont finalement intégré une entreprise anglo-néerlandaise, MG, qui leur a permis de se développer, passant de 40 à 270 employés en trois ans grâce à une stratégie de recrutement de juniors et de professionnels non-informaticiens. Cette croissance a été soutenue par une philosophie de formation continue et un environnement de travail encourageant.
Après plusieurs expériences dans différentes entreprises, Rémy Hanny rejoint en avril 2023 VisionneX, une entreprise spécialisée dans le domaine médical, produisant des machines utilisées par les ophtalmologistes pour des tests de vue, ainsi que pour la découpe de verres de lunettes. Il y supervise une petite équipe dédiée à la gestion des systèmes informatiques de l’entreprise.
Sous sa direction, l’entreprise dispose d’une infrastructure informatique bien dotée, utilisant des solutions modernes comme Office 365 et des pare-feux de haute sécurité. Il est responsable de la centralisation des opérations informatiques tout en déléguant certaines tâches à des partenaires locaux pour des raisons pratiques, telles que le formatage des PC aux États-Unis.
Le natif de Normandie met un point d’honneur à travailler avec des partenaires de confiance sur le long terme. Il a, par exemple, orchestré la migration des serveurs SAP de la Belgique vers la France en collaboration avec une société qu’il connaissait bien par le passé. Il veille à ce que les partenaires externes maîtrisent parfaitement les solutions utilisées par VisionneX, étant donné la petite taille de son équipe interne, ce qui rend cette expertise externe indispensable.
Vous êtes actuellement DSI, pour vous quelles sont les qualités vraiment essentielles pour assurer ce poste-là ?
La première chose, je dirais, c’est qu’il faut vraiment être ouvert aux besoins des utilisateurs. Aujourd’hui, on sait que l’informaticien et les utilisateurs ne parlent jamais tout à fait la même langue. Donc, il est important de bien comprendre le besoin et surtout de donner une qualité de service. Quand une personne est dans l’embarras, il faut résoudre son problème, que ce soit pour un compte Office mal saisi ou pour se connecter à SAP à cause des niveaux d’autorisation.
Le DSI doit être comptable. Il y a 20 ans, on devait tout mettre en place, tout créer. Maintenant, on doit travailler avec ses partenaires pour vérifier et contrôler nos dépenses. On peut leur confier les clés, mais il faut penser à maîtriser les coûts.
Le dernier point, c’est l’équipe. C’est vrai avec une petite équipe, mais aussi avec une plus grande. L’essentiel, c’est de garder les collaborateurs, car ils stockent une quantité de connaissances stratégiques. Les garder dans la durée est super essentiel pour la continuité de la qualité de service et la réactivité. Dans une petite équipe qui marche bien, c’est un grand confort. Il faut les soutenir, au sens positif du terme. Parfois, les utilisateurs saisissent des données un peu rapidement dans le système. Par exemple, une commande doit être sortie à la fin du mois, mais si les données comme l’adresse du client ne sont pas correctes, cela pose un problème. Le client reviendra peut-être, mais il faudra corriger ses erreurs avant de traiter les données. Il faut être solidaire de l’équipe, mais aussi savoir poser des limites.
Vous parliez de DSI comptable, c’est-à-dire qu’il faut, en amont d’un projet, évaluer un budget, puis le présenter au comité exécutif ou aux décisionnaires ?
Oui, en tant que DSI comptable, il faut évaluer un budget, le présenter au comité exécutif, et en avoir la responsabilité. La préparation budgétaire implique d’avoir une idée des différents projets à mener, même si parfois, c’est difficile de les estimer sans conception préalable. On définit une enveloppe budgétaire, avec les coûts récurrents comme les licences Microsoft, et on prend en compte l’évolution de la boîte. On doit rediscuter avec les partenaires, analyser les consommations, ajuster les forfaits. On descend dans un niveau de détail important, par exemple pour les téléphones, où il faut faire des choix. Sur la question d’un même téléphone pour le professionnel et le personnel, je suis contre tout simplement pour une question de cybersécurité.
L’exercice budgétaire vise à améliorer la boîte, même si c’est toujours un sport. Parfois, on dépasse largement le budget initial, mais la décision est prise par le board en fonction des risques. On est en recherche constante d’optimisations, même si ce n’est pas simple, car il y a toujours un côté aléatoire qui est inhérent à l’exercice budgétaire.
“Avant le covid certains clients refusaient catégoriquement le télétravail.”
Avez-vous constaté des changements significatifs dans les exigences des employeurs ces dernières années ?
Le COVID a eu un effet extraordinaire. Avant, certains clients refusaient catégoriquement le télétravail. Ils disaient “Si vous n’êtes pas chez moi dans mes locaux, c’est que vous travaillez pour quelqu’un d’autre, donc si vous n’êtes pas chez moi, je ne vous paye pas.” Mais avec le confinement, ils ont vu que ça pouvait fonctionner, même s’il faut un pilotage plus précis. Car quand on fait un projet, on se met tous ensemble, et il y a une quantité d’informations à comprendre : où chaque personne se situe dans son avancement, quelles sont ses questions, les problèmes qu’elle rencontre, qu’elle solutionne, etc. Cet échange informel suffit à nous maintenir à un niveau d’information très intéressant. Cependant, ce niveau-là, on le perd quand on est en télétravail. Du coup, ça demande plus de pilotage. Le télétravail a changé la donne, surtout en région parisienne, où les collaborateurs exigent parfois jusqu’à 60 % de télétravail. Mais cela coupe un lien humain essentiel, et je pense qu’on reviendra peut-être à une solution plus équilibrée à l’avenir.
8 entreprises sur 10 rencontrent des difficultés à recruter des experts de l’IT. Est-ce que vous avez un processus de recrutement vraiment clair dans votre entreprise ?
Oui, nous passons par un cabinet de chasse pour les postes pointus, puis on rencontre les candidats. Vous savez, le plus important dans le recrutement, c’est le feeling. Toujours avec le principe in and out. Si un CV retient votre attention, il faut voir la personne et inversement, en entretien, si une petite lumière rouge s’allume, il faut s’écouter et ne pas perdre de temps avec quelqu’un qui ne convient pas. Éventuellement, si vous n’êtes pas sûr, vous pouvez faire évaluer par quelqu’un d’autre. L’humain est vital dans le recrutement. Pour recruter dans l’IA, ce n’est pas facile, car les solutions d’IA sont encore naissantes. Mais il y a un gros potentiel.
Pourquoi ne pas avoir fondé une nouvelle entreprise au lieu de rejoindre VisionneX ?
S’occuper d’une entreprise, c’était un investissement énorme. J’ai passé des week-ends à travailler trop. Après 60 ans, on n’a plus forcément les mêmes envies. J’aime mon travail, mais je préfère un rythme plus cool. Auparavant, mes semaines c’était 5 jours de travail et le samedi, on se réunissait tous, les managers, pour répondre au cahier des charges, puis on traitait les problèmes. Tous les soirs étaient dédiés aux recrutements. Le week-end, j’allais faire la sauvegarde des serveurs. Quand il fallait installer le réseau, c’était moi qui le faisais. J’ai adoré cette période, mais j’avais besoin d’un rythme un peu plus tranquille.
Ma première mission en interne chez un client m’a plu. Aider la boîte de l’intérieur, c’est différent de la prestation de service. Là, je peux implémenter un projet et continuer à l’améliorer, ce que je ne pouvais pas faire en tant que prestataire. Une de mes frustrations dans toutes ces années de service, c’est de ne rien avoir créé. Maintenant, en étant interne, j’ai une satisfaction différente. Je travaille pour ma boîte et dans la durée. Je me dis que demain sera encore mieux qu’aujourd’hui.
Propos recueillis par Léo Delaby et Clément Fradique